Voici un très beau conte de Noël, spécialement écrit pour LamuièredeNoël.com…

 

C’était à nouveau l’hiver. La vieille Célestine ne savait pas si les années passaient de plus en plus vite ou si c’était parce qu’elle vieillissait de plus en plus qu’elle les trouvait plus courtes…

C’était à nouveau l’hiver… Elle ne s’habituait pas à ce que les jours soient si brefs. A la belle saison, elle pouvait vaquer à ses nombreuses tâches indispensables à sa ferme, tout était clair et lumineux, mais en plein hiver la chute était à craindre et pas seulement la chute de neige… Il n’était encore que seize heures et déjà la nuit tombait. Elle se prépara une infusion.

« C’est à nouveau l’hiver » soupira-t-elle pour elle-même, et ce serait bientôt Noël : cette fichue fête la déprimait. Elle savait bien qu’elle la passerait seule. Comment faire autrement, éloignée de tout, comme elle l’était ?

C’était comme ça, c’était la vie. Qu’y faire ? Il valait mieux se résigner et oublier cette date. Cacher le calendrier et éteindre la radio, attendre que cette soirée passe et puis c’est tout. Il devait y en avoir d’autres, des abandonnés, des foules d’esseulés : au moins n’était-elle pas seule à vivre ce soir là dans la solitude.

Il y a si longtemps, elle avait rencontré son Gabriel et au premier regard, elle n’avait pas su imaginer autre chose que passer sa vie avec lui. Ils s’étaient mariés, elle avait quitté Marseille pour se retrouver dans les montagnes. Elle avait adopté sa vie de fermier montagnard dans un coin perdu de Savoie. Quel travail du soir au matin ! Ils avaient eu deux enfants, ils avaient été heureux. Les enfants avaient grandi et ils avaient si bien réussi leurs études que pour se trouver un travail correspondant, ils avaient émigré loin, bien loin. Ah ! Comme les parents avaient été fiers de la réussite de leurs fils. Un à Cambera en Australie – je vous demande un peu ! – et l’autre à Boston, à l’Est des Etats-Unis. Oui, je vous demande un peu ! Quelle sottise ces études hyper-spécialisées ! C’est sûr qu’aujourd’hui, Célestine n’était plus si fière de la réussite de leurs études.

S’ils avaient été boulangers ou épiciers, ils seraient restés près d’elle dans le bourg, assurément. Alors qu’aujourd’hui, il lui semblait que si elle n’avait jamais eu d’enfants, c’était bien la même chose, l’amertume en moins. Ils avaient perdu la mémoire, si bien qu’ici en Savoie, il y avait une vieille femme qui était leur mère et qu’ils avaient oubliée…

Oh, elle se souvenait que l’un et l’autre l’avaient invitée, il y a si longtemps, à venir les visiter, et ce fut deux merveilleux voyages, – à l’autre bout du monde -, je vous demande un peu… Mais c’était quand son couple était encore jeune : ils n’avaient pas soixante cinq ans. Mais maintenant que son Gabriel était mort et qu’elle ne tenait plus trop debout, elle refusait de prendre l’avion. Un rien lui faisait perdre l’équilibre, alors l’avion ! Je vous demande un peu !

Elle laissa retomber le rideau sur la neige qui recommençait à tomber. Au moins ce serait beau. Depuis qu’elle occupait cette ferme, c’était sa joie de voir le blanc recouvrir chaque chose et renouveler la vue de tout son horizon. Oui, au moins l’hiver avait ça de merveilleux : la neige, ses flocons, « sa poudreuse », comme disait la jeune génération. Elle ne savait pas rester indifférente à la beauté de la nature à chaque chute de neige. Chaque hiver, elle était en joie de voir la neige tomber.

Son infusion terminée, elle s’en reversa la moitié d’un verre quand on vint frapper à sa porte des coups impatients. Un coup d’œil prudent par la fenêtre, c’était son jeune voisin qui habitait à six cents mètres plus haut, qu’elle connaissait à peine.

Une visite inattendue

– Madame, ma femme va accoucher, ma voiture ne démarre pas, voulez vous bien me prêter la vôtre ?
– Mais, mon pauvre ami, ma voiture, ça fait si longtemps que je ne l’utilise pas, sa batterie doit être hors d’usage : elle ne va pas démarrer !
– Ah, s’il vous plait, Célestine, laissez-moi essayer : on la pousse et on verra si elle ne démarre pas…
– Mais appelez un taxi, ce sera plus rapide !
– Seulement si votre voiture ne démarre pas, je vous en supplie….
– Bon ! Elle enfila son manteau, ses bottes, prit la clé suspendue près de la porte d’entrée, les a tendues à son voisin. « Accoucher maintenant en plein hiver, pensa-t-elle, non mais, je vous demande un peu ! « 

Célestine et sa DS

Célestine – quand elle était encore jeune – et sa veille voiture – une Citroën DS.

 

Le voisin courut vers la grange, ouvrit rapidement les vantaux puis la portière de la voiture. Contact… et bien évidemment, la voiture ne broncha pas.

– On va la pousser dans la côte, elle va démarrer, j’en suis sûr !

Célestine n’osa pas lui dire qu’il était un grand rêveur. Il était dans un moment où on a besoin d’espérance, assurément, et elle n’allait pas lui rajouter du stress en lui disant qu’elle n’y croyait pas, mais ce serait bien pareil… Elle adressa cependant cette prière au Tout-puissant :

« Oh, mon Dieu, faites qu’il dise vrai, Toi, tout puissant, Tu sais si cette voiture n’a pas roulé depuis longtemps, fais démarrer la voiture mon Dieu, que ce petit naisse dans de bonnes conditions ».

Le voisin était costaud, la voiture fut vite sortie de la grange. Il suffisait de suivre la pente, il l’a poussa sur le sentier et en un bond très souple s’assit au volant.

Incroyable ! Après avoir bien toussé, elle démarra ! Au bout de quelques minutes, lorsque qu’il repassa devant Célestine, il lui cria sans s’arrêter : « merci, je vous la ramène dès que possible ! »

« Eh bien, soupira-t-elle, vite fait, bien fait ! Je comprends que le gamin soit pressé de naître avec un père si déterminé ! Mais mon Dieu c’est un miracle de Noël que Tu nous as fait là ! La voiture qui démarre, non, mais ! Je vous demande un peu ! La voiture a démarré, incroyable ça ! »

Elle parlait à haute voix en rentrant dans sa cuisine, riait en elle-même tant elle était étonnée que sa voiture ait démarré : « la voiture qui démarre ! La voiture qui démarre ! Mais c’est fou ça, je vous demande un peu ! Mais mon Dieu, il n’y a que Toi Seigneur pour nous faire un coup pareil, je vous demande un peu ! »

A trois jours de Noël

Plusieurs jours passèrent, quand un matin – nous étions à trois jours de Noël –  le jeune couple sonna à la porte avec un petit paquet dans les bras.

– Célestine, on vient vous ramener votre voiture et vous présenter notre trésor de Noël… il s’appelle Gabriel !

Le vieux cœur de Célestine tressaillit.

– Oh mais entrez ! Mais ne restez pas dehors !

Ils lui demandèrent ensuite :

– Célestine, que faites vous à Noël ?

Elle ne su répondre, étonnée de la question, encore émue du prénom de l’enfant… et bafouilla. Elle en perdait son latin. Elle avait l’impression que son Gabriel à elle était venu lui faire un clin Dieu, comme s’il voulait lui dire : « mais si, tu vois, je suis encore près de toi ! ».

Devant sa tentative, murmurant par des mots sans suite, son jeune voisin répondit :

– Célestine, demain soir, je viendrai vous chercher, et si vous êtes d’accord, on vous emmènera à la messe de minuit ! Vous passerez Noël avec nous ! Sur ce dernier point, vous n’avez pas le droit de dire non, c’est Gabriel qui vous invite ! Vous faites partie de sa vie maintenant… vous allez vous voir souvent ! Autant que vous disiez oui tout de suite.

Par Marie Andrée Rinck – tous droits réservés – www.horizon-spirituel.com


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