Dans un entretien donné à Panorama en 2003, il y a donc tout juste 20 ans, le Père Ceyrac racontait comment à 89 ans, il poursuivait encore son action auprès des « intouchables, des pauvres et des enfants », et comment il passait Noël. Un témoignage à lui tout seul !

Parti comme missionnaire en Inde à l’âge de 23 ans en 1937, le Père Ceyrac est parti au ciel en 2012.

Bertrand Révillion : Père, vous vivez en Inde depuis 1937. Vous y avez donc vécu plus de soixante-cinq Noëls ! Quel est celui qui vous a le plus marqué ?

Père Ceyrac : Comment choisir ! J’ai eu, au cours de mon existence de missionnaire, tant d’occasions de me réjouir de Noël, de voir le bonheur de la Nativité se refléter dans tant et tant de regards d’enfants, d’hommes et de femmes. Le souvenir qui me revient spontanément en vous parlant est celui d’un Noël très particulier qui s’est déroulé, non pas en Inde, mais sur un bateau, en pleine mer. Après plus de dix ans d’absence, je rentrais dans ma famille, en France, pour quelques jours. Sur le bateau, il y avait de nombreux soldats qui rentraient d’Algérie où la guerre faisait rage.

J’étais un jeune prêtre, le seul à bord, et le commandant m’a demandé de monter sur le pont à la rencontre de ces hommes dont un certain nombre d’entre eux souhaitaient parler à un prêtre avant la messe de minuit. Pendant plusieurs heures, j’ai écouté les confessions de ces légionnaires qui avaient pratiquement tous du sang sur les mains. Ils me confiaient des histoires horribles avec, au fond du cœur, un sentiment terrible de culpabilité. Après leur avoir donné l’absolution, chacun d’entre eux me serrait longuement la main en me remerciant chaudement. C’est ce jour-là que j’ai le mieux compris la grandeur extrême du sacrement de réconciliation…

B.R. : Dieu pardonne, malgré tout ?

Personne n’est jamais trop loin de Dieu et ce n’est jamais trop tard. Dieu est toujours là et son amour est inconditionnel, quoi qu’on ait fait… Dieu aime chacune et chacun d’entre nous « à la folie » : c’est cela le message de Noël…

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B.R.: Parlez-moi de Noël…

Noël, c’est d’abord pour moi le temps de l’Avent. En Inde, nous sommes encore dans le temps de l’attente : plus d’un milliard d’Indiens ne connaissent pas encore Jésus Christ. Il y a à peine 45 millions de chrétiens, toutes confessions confondues. Je vis donc sur une terre qui attend encore l’avènement du Seigneur. Quelle que soit notre croyance, nous marchons toutes et tous vers ce « point oméga » si bien décrit par Teilhard de Chardin. Un jour, l’humanité entière saura que Dieu l’aime à la folie…

Noël, c’est l’incroyable geste d’un père qui donne son fils à l’humanité pour lui dire son amour. Noël, c’est Dieu qui dit au pauvre ? pauvre matériellement, psychologiquement, culturellement ? : « Je suis là, près de toi, et je t’aime. » Noël, c’est Dieu qui prend dans ses bras un enfant qui meurt sur un trottoir de Madras. Noël, c’est le Père qui tend la main à tous les « dalits », tous les « intouchables » de la planète…

Jésus est né pauvre, rejeté, marginalisé, et sa naissance est la grande fête des pauvres. Si nous voulons, nous aussi, entendre vraiment la Bonne Nouvelle, il nous faut nous faire pauvre, accepter le dépouillement, oser nous libérer des richesses inutiles qui assèchent notre cœur. Si Dieu s’incarnait aujourd’hui, il naîtrait parmi les intouchables de l’Inde ! Et sa crèche serait un bidonville !

B.R.: Dieu a accepté de naître faible…

Oui, mais la Bible nous rappelle que la faiblesse peut être une force. Lorsque, à mon retour des camps du Cambodge, j’ai décidé de m’occuper des enfants orphelins, je n’avais rien que ma foi en Dieu. Avec tous mes amis, je me suis battu : nous avons créé, à Manumadurai, un centre pour soigner ses enfants.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, notre association accueille près de 40 000 enfants et les nourrit tous les jours ! C’est cela Noël : croire encore et toujours à l’impossible de l’amour. Avec un euro, je nourris cinq enfants trois fois par jour… Avec la seule force de l’amour, le miracle est possible ! C’est vraiment Noël dans notre cœur lorsque nous découvrons que Jésus n’est pas simplement né en Palestine il y a plus de deux mille ans, mais qu’il continue à naître à chaque instant en chaque homme, chaque femme, chaque enfant. Le matin, dans ma prière, je demande au Seigneur de vivre ma journée devant Lui, pour Lui, en Lui et vers Lui…

B.R. : Où souhaitez-vous célébrer Noël ?

Je pourrais dire la messe auprès des handicapés ou en plein cœur d’un bidonville. Mais j’aime par-dessus tout vivre la grâce immense de la Nativité avec les lépreux… Je songe alors aux présents apportés par les mages à Jésus : l’or des rois, l’encens de Dieu et la myrrhe qui servait à embaumer les morts et qui, dès la naissance du Sauveur, annonce déjà symboliquement sa Passion. La joie de Noël est pour tous et d’abord pour toutes celles et tous ceux qui vivent, dans leur corps et dans leur cœur, la brûlure de la Passion… Comme les mages, nous avons à entraîner celles et ceux qui nous entourent, et particulièrement, celles et ceux qui souffrent, vers l’étoile de Bethléem… Continuer de marcher même si cette étoile, parfois, se cache à nos regards ? Oui, marcher, même si la nuit nous entoure , marcher avec d’autres vers la lumière. Ne pas se tromper de route, tourner les yeux vers l’essentiel : on ne passe qu’une fois sur le chemin de la vie…

B. R. : Quels désirs, quels projets avez-vous encore, Père Ceyrac, à quatre-vingt-neuf ans ?

Essayer d’aimer davantage.

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