Ce jeune philosophe spécialiste de Nietzsche s’est converti au catholicisme au moment de Noël. Par besoin de remercier Dieu pour la joie d’exister. Interview.
F.C. : Comment le philosophe que vous êtes distingue-t-il entre plaisir, joie, bonheur ?
Martin Steffens(*) : Le plaisir n’est pas la joie : il est la sensation provoquée par la consommation d’une chose, quand la joie, elle, est le signe que la Vie a remporté une victoire. C’est la femme qui accouche, le bébé qui fait ses premiers pas, etc. Victoires sur la pesanteur, la paresse de vivre, la mauvaise humeur… Il y a un côté rebelle dans la joie, qu’il n’y a pas dans le bonheur tel qu’on l’entend trop souvent, comme confort de vie.
Que dit Nietzsche sur la joie ?
La joie, selon lui, doit tout prendre, même les dissonances de nos existences, jusqu’au non-sens de cette vie. Rien n’est pire, pour Nietzsche, que ceux qui disent «non» à la vie : le puritanisme chrétien, ou le bouddhisme qui prône une fuite hors du monde. Il faut dire ce «oui», malgré tout, dans une victoire arrachée de haute lutte.
Et que vous a enseigné le christianisme sur le sujet ?
Que cette victoire n’est pas la nôtre! Nietzsche a un côté volontariste qu’on ne retrouve pas dans le christianisme : cette victoire de la vie est celle du Christ aux bras ouverts, jusque sur la Croix ; celle d’un Dieu qui ose la fragilité humaine – ce que nous allons célébrer à Noël – et qui, en mettant ses pas dans les nôtres, si bancals soient-ils, a tout sanctifié. Dès lors, plus rien ne tombe en dehors de Dieu, même pas nos petites épreuves, surtout pas notre péché.
La joie chrétienne ne se « fait » pas, elle se reçoit ?
Oui. C’est une dilatation du cœur qui – à la différence du plaisir – est assez ample pour tout accueillir. Loin de renier les expériences difficiles, elle les embrasse : la joie chrétienne suscite une attitude active de consentement à la vie. Il y va d’une décision.
On dit pourtant que la joie est un don…
Elle l’est, mais encore faut-il décider de la recevoir. L’illustration la plus belle est l’épisode de saint François d’Assise et de Frère Léon, baptisé la «joie parfaite » : ils étaient trempés, glacés, rejetés, humiliés, et ils réalisent alors ce qui, dans la vie, est absolument donné.
Quelques jours après la Nativité, survient le massacre des Innocents, commandé par le roi Hérode. Cela gâche un peu la joie ?
Cela signifie douloureusement que la venue du Christ n’instaure pas un bonheur garanti, facile, dans un monde aseptisé où tout irait bien. Au contraire, comme chaque fois que la vérité advient, c’est un monde où le risque est encore plus grand, où le combat spirituel se déchaîne.
La modernité dit : on va vaincre le mal en disant que rien n’est mal. Le christianisme, lui, propose une autre voie : le Mal sera le lieu où se révèle le Dieu d’amour, qui pardonne et relève l’homme.
Pour un ancien nietzschéen, s’agenouiller devant un Dieu qui s’est fait petit enfant, cela ne doit pas être facile ?
C’est une très joyeuse libération ! La raison humaine a du mal à supporter que l’Absolu ait assumé son absolu contraire : que Dieu se soit fait bébé, puis, plus tard, condamné de droit commun. Or il n’y a que la puissance humaine qui est jalouse d’elle-même : Dieu, qui est parfaitement puissant, peut se vider de cette puissance afin de la donner. Sa puissance, parce qu’elle n’est pas celle d’un tyran, est d’aimer.
De la même façon, la perfection d’un homme n’est pas d’être un surhomme qui se suffit à soi-même, mais de redevenir un enfant: un être relationnel, comme l’est le Dieu trinitaire, Père, Fils, et Saint-Esprit. La Crèche nous rappelle ceci : un bébé force au respect, non par la violence, maïs par sa fragilité. Dieu est une invitation plus qu’une contrainte.
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(*) Martin Steffens, né en 1977, est professeur agrégé de philosophie à Metz. Marié, père de trois enfants.
Source : Famille chrétienne (propos recueillis par Luc Adrian)
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