De quoi les santons de la crèche sont-ils le signe ?

 La poissonnière avançait avec un grand sourire, tenant à la main une carpe magnifique qui semblait tressauter encore. Elle avait laissé dans sa boutique son vocabulaire piquant de marchande de poisson et semblait se résigner à ne doubler personne. Tout dans sa mise indiquait qu’elle s’était regardée dans le miroir avant de prendre la route. Son bonnet et son fichu n’avaient pas un pli. Là où elle allait, il faudrait, malgré la simplicité des lieux, être irréprochable en hommage à celui qui venait de naître.

Le tambourinaire avec son tambourin et son galoubet jouait des airs entraînants.

De loin, on voyait le Ravi, avec ses bras levés en l’air en signe de joie.

Le maire avec sa lanterne avait l’air d’avoir renoncé à ses discours politiques, il cheminait aux côtés du curé qui chantait des psaumes. Le médecin tenait un cartable ventru.

La boulangère, elle, portait fièrement un énorme pain qui semblait croustillant. A la fois réjouie et sérieuse, elle allait, essayant de ne pas quitter d’un pas son boulanger de mari avec un gros sac de farine sur une épaule et le petit mitron, qui portait des viennoiseries. L’important était de ne pas se tordre les pieds dans les cailloux du chemin.

Tout à coup, il y eut un attroupement : une jolie jeune femme avait failli laisser échapper sa cruche vernissée, une jeune arlésienne avec son élégante coiffe et sa croix l’aida à la rattraper et à remettre son châle de dentelle en place.

En allant de l’avant, ils doublèrent un cortège formé de chameaux et de quelques hommes qui étaient évidemment des gens importants. Sur leurs vêtements chamarrés ils avaient jeté des capes discrètes mais on voyait bien qu’ils avaient de beaux cadeaux, sans doute de l’or, de l’encens. « Balthazar, ne nous pressons pas, il est prévu qu’on arrive un peu plus tard », dit l’un d’eux sentencieusement. Une couronne dépassait de sa poche.

Quelques bergers, eux, pressaient le pas : « avance et fais avancer le troupeau ! Cria l’un à son chien Patou. Les autres y sont déjà ! »

La foule allait sans discontinuer, dans l’aube grandissante, se frayant un chemin parmi les lentisques, les lauriers, les eucalyptus, les pins, les oliviers, le petit chêne vert, le thym et le romarin. Tout cela embaumait la Provence éternelle.

Soudain un petit garçon entra dans la pièce en courant. « Capucine, que fais-tu » ? Cria-t-il. Appuyée sur son coude au bord de la crèche, Capucine rêvait. Elle aurait bien voulu faire partie de cette foule, de cette crèche. Un moment, elle avait cru que ces personnages en terre cuite étaient vivants, car la terre cuite a une chaleur humaine. Une fois peinte elle est ce qui rend le mieux les visages, les vêtements, les attitudes. Elle avait rêvé qu’elle allait les suivre sur ce chemin de Provence semblable à n’importe quel chemin des Alpilles, et qui montait juste ce qu’il fallait, vers un événement très doux que le monde attendait. Elle fut tentée d’en vouloir à son petit frère de l’avoir éveillée de son rêve. Mais ce soir là, on ne pouvait en vouloir à personne.

Capucine était une petite fille moderne. Elle tapa sur ChatGPT et demanda : « de quoi la crèche est-elle le signe ? » Tout de suite le robot lui répondit : « la crèche rappelle l’importance de l’amour, du partage et de la générosité. » Et il jouta : « elle fait rêver petits et grands. »

Eh bien, pour une fois, le robot à faible personnalité s’en était bien tiré. C’était vrai. Que pouvait-on dire de plus ?

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PS : le savoir faire des santonniers de Provence est inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de France depuis 2021. Le premier santon a été mis au point à Marseille par Jean-Louis Lagnel en 1797. Mais François d’Assise, dont la mère était provençale, avait créé en 1223 la première crèche vivante. Dès le XVe siècle, il y a eu des crèches dans les églises…

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