Vous connaissez sûrement ce célèbre conte de Charles Dickens, Le cantique de Noël. On y voit un vieux Scrooge, aigri, qui ne souhaite pas fêter Noël. L’auteur nous y donne aussi une belle définition de cette fête, et à travers l’attitude de Scrooge, en négatif, on mesure tout ce qu’elle peut être.. ou ne pas être dans les coeurs ! Extrait.

La porte du comptoir de Scrooge demeurait ouverte, afin qu’il pût avoir l’oeil sur son commis qui se tenait un peu plus loin, dans une petite cellule triste, sorte de citerne sombre, occupé à copier des lettres. Scrooge avait un très petit feu, mais celui du commis était beaucoup plus petit encore : on aurait dit qu’il n’y avait qu’un seul morceau de charbon. Il ne pouvait l’augmenter, car Scrooge gardait la boîte à charbon dans sa chambre, et toutes les fois que le malheureux entrait avec la pelle, son patron ne manquait pas de lui déclarer qu’il serait forcé de le quitter.

C’est pourquoi le commis mettait son cache-nez blanc et essayait de se réchauffer à la chandelle ; mais comme ce n’était pas un homme de grande imagination, ses efforts demeurèrent superflus. « Je vous souhaite un Joyeux Noël, mon oncle, et que Dieu vous garde ! », cria une voix joyeuse. C’était la voix du neveu de Scrooge, qui était venu le surprendre si vivement qu’il n’avait pas eu le temps de le voir. « Bah ! dit Scrooge, sottise ! » Il s’était tellement échauffé dans sa marche rapide par ce temps de brouillard et de gelée, le neveu de Scrooge, qu’il en était tout en feu ; son visage était rouge comme une cerise, ses yeux étincelaient, et la vapeur de son haleine était encore toute fumante. « Noël, une sottise, mon oncle ! dit le neveu de Scrooge ; ce n’est pas là ce que vous voulez dire sans doute ?
– Si fait, répondit Scrooge. Un Joyeux Noël ! Quel droit avez-vous d’être gai ? Quelle raison auriez-vous de vous livrer à des gaietés ruineuses ?
– Vous êtes déjà bien assez pauvre !
– Allons, allons ! reprit gaiement le neveu, quel droit avez-vous d’être triste ? Quelle raison
avez-vous de vous livrer à vos chiffres moroses ?
– Vous êtes déjà bien assez riche !
– Bah ! » dit encore Scrooge, qui, pour le moment, n’avait pas une meilleure réponse prête ;
et son bah ! fut suivi de l’autre mot : sottise !
–  Ne soyez pas de mauvaise humeur, mon oncle, fit le neveu.
– Et comment ne pas l’être, repartit l’oncle, lorsqu’on vit dans un monde de fous tel que celui-ci ? Un gai Noël ! Au diable vos gais Noëls ! Qu’est-ce que Noël, si ce n’est une époque pour payer l’échéance de vos billets, souvent sans avoir d’argent ? Un jour où vous vous trouvez plus vieux d’une année et pas plus riche d’une heure ? Un jour où, la balance de vos livres établie, vous reconnaissez, après douze mois écoulés, que chacun des articles qui s’y trouvent mentionnés vous a laissé sans le moindre profit ? Si je pouvais en faire à ma tête, continua Scrooge d’un ton indigné, tout imbécile qui court les rues avec un gai Noël sur les lèvres serait mis à bouillir dans la marmite avec son propre pouding et enterré avec une branche de houx au travers du coeur. C’est comme ça.
– Mon oncle ! dit le neveu, voulant se faire l’avocat de Noël.
– Mon neveu ! reprit l’oncle sévèrement, fêtez Noël à votre façon, et laissez-moi le fêter à la mienne.
– Fêter Noël ! répéta le neveu de Scrooge ; mais vous ne le fêtez pas, mon oncle.
– Alors laissez-moi ne pas le fêter. Grand bien puisse-t-il vous faire ! Avec cela qu’il vous a toujours fait grand bien !
– Il y a quantité de choses, je l’avoue, dont j’aurais pu retirer quelque bien, sans en avoir profité néanmoins, répondit le neveu ; Noël entre autres. Mais au moins ai-je toujours regardé le jour de Noël quand il est revenu (mettant de côté le respect dû à son nom sacré et à sa divine origine, si on peut les mettre de côté en songeant à Noël), comme un beau jour, un jour de bienveillance, de pardon, de charité, de plaisir, le seul, dans le long calendrier de l’année, où je sache que tous, hommes et femmes, semblent, par un consentement unanime, ouvrir librement les secrets de leurs coeurs et voir dans les gens au-dessous d’eux de vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau, et non pas une autre race de créatures marchant vers un autre but. C’est pourquoi, mon oncle, quoiqu’il n’ait jamais mis dans ma poche la moindre pièce d’or ou d’argent, je crois que Noël m’a fait vraiment du bien et qu’il m’en fera encore ; aussi je répète :
–  Vive Noël ! »

Le commis dans sa citerne applaudit involontairement ; mais, s’apercevant à l’instant même qu’il venait de commettre une inconvenance, il voulut attiser le feu et ne fit qu’en éteindre pour toujours la dernière apparence d’étincelle.

– Que j’entende encore le moindre bruit de votre côté, dit Scrooge, et vous fêterez votre Noël en perdant votre place. Quant à vous, monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers son neveu, vous êtes en vérité un orateur distingué. Je m’étonne que vous n’entriez pas au parlement.
– Ne vous fâchez pas, mon oncle. Allons, venez dîner demain chez nous.

Scrooge dit qu’il voudrait le voir au… oui, en vérité, il le dit. Il prononça le mot tout entier, et dit qu’il aimerait mieux le voir au d… (Le lecteur finira le mot si cela lui plaît.)

– Mais pourquoi ? s’écria son neveu…
– Pourquoi ?
– Pourquoi vous êtes-vous marié ? demanda Scrooge.
– Parce que j’étais amoureux.
– Parce que vous étiez amoureux ! grommela Scrooge, comme si c’était la plus grosse sottise du monde après le gai Noël. Bonsoir !
– Mais, mon oncle, vous ne veniez jamais me voir avant mon mariage. Pourquoi vous en faire un prétexte pour ne pas venir maintenant ?
– Bonsoir, dit Scrooge.
– Je ne désire rien de vous ; je ne vous demande rien. Pourquoi ne serions-nous pas amis ?
– Bonsoir, dit Scrooge.
– Je suis peiné, bien sincèrement peiné de vous voir si résolu. Nous n’avons jamais eu rien l’un contre l’autre, au moins de mon côté. Mais j’ai fait cette tentative pour honorer Noël, et je garderai ma bonne humeur de Noël jusqu’au bout. Ainsi, un Joyeux Noël, mon oncle !
– Bonsoir, dit Scrooge.
– Et je vous souhaite aussi la bonne année !
– Bonsoir, répéta Scrooge.

Son neveu quitta la chambre sans dire seulement un mot de mécontentement. Il s’arrêta à la porte d’entrée pour faire ses souhaits de bonne année au commis, qui, bien que gelé, était néanmoins plus chaud que Scrooge, car il les lui rendit cordialement. « Voilà un autre fou, murmura Scrooge, qui l’entendit de sa place : mon commis, avec quinze schellings par semaine, une femme et des enfants, parlant d’un gai Noël. Il y a de quoi se retirer aux petites maisons. »

Ce fou fieffé donc, en allant reconduire le neveu de Scrooge, avait introduit deux autres personnes.

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